Pour le rabbin Yeshaya Dalsace, l’accusation de stigmatisation envers les enfants musulmans, à l’occasion des signalements effectués après l’hommage à Samuel Paty, est malavisée. Pour lui, s’il y un danger qui menace les enfants musulmans, c’est celui de l’islamisme mortifère.
L’argument particulièrement choquant de cette tribune est que les signataires y dressent un parallèle avec le sort des enfants juifs durant la Shoah… Comme rabbin, j’ai été sollicité pour signer cette tribune, voici ce qui a motivé mon refus d’y apposer ma signature.
Les auteurs dénient toute responsabilité et devoir de réflexion à ces « enfants ». Une fois de plus, on veut victimiser le « musulman » en évitant de le confronter à ses responsabilités. […] Deuxièmement : la comparaison avec les enfants juifs durant le nazisme est scandaleuse et indécente. Elle est même grotesque. De quelle apologie de crime étaient-ils coupables ? Quel Juif, au nom du judaïsme, a assassiné un prof, un caricaturiste, un fêtard, un chrétien en prière, ou autre ? […]
Sur la forme, cette tribune emploie systématiquement le mot « enfant » (une quinzaine de fois en une page), touchant ainsi la fibre émotionnelle. […] L’enfance mérite d’être défendue en effet, mais elle n’est pas forcément synonyme d’innocence. La réalité, c’est que des « enfants innocents » ont décapité un prof ! (Le tueur était lui-même un très jeune adulte à peine majeur). Fait absolument incroyable et bouleversant. La réalité, c’est qu’une petite partie de la « gentille enfance » française considère que décapiter un prof au nom de l’islam est justifié et que ce prof ne méritait pas l’hommage que la Nation entendait lui rendre. […]
Cette tribune en dit plus sur le malaise juif (ou de leur « origine ») des auteurs et signataires que sur le fond du problème qu’ils veulent soulever. […] Cela relève d’une forme de narcissisme malsain, d’un besoin de se mettre en avant en tant que Juifs. Le judaïsme se trouve réduit à une association de victimes, là encore essentialisées. C’est le signe d’une mémoire victimaire utilisée à l’envi, à tout propos et surtout hors de propos. […]
Nouvel Obs
25/11/2020
« L’enfance ne relève pas de la suspicion, mais de la protection », estiment 38 personnalités juives, qui s’inquiètent des signalements et des poursuites judiciaires contre des enfants accusés de complaisance envers le terrorisme.
Depuis l’assassinat de Samuel Paty, des centaines d’enfants et d’adolescents se sont vu accuser de complaisance vis-à-vis du terrorisme, signalés aux autorités rectorales, assignés en justice pour apologie du terrorisme. Certains, scolarisés en CM2, ont passé une journée entière en retenue judiciaire, auditionnés dans un commissariat. D’autres ont subi perquisitions et interrogatoires, parfois pour la simple possession d’une feuille avec une inscription en arabe.
Les chiffres rapportés par la presse ne permettent aucun doute. La surveillance, de fait ciblée sur les enfants musulmans, voulue par le ministre de l’Education nationale a été suivie par une partie du personnel de l’Education nationale et s’est traduite par un traitement différencié pour des centaines d’enfants. […] C’est une ligne de démarcation qui se trace entre les enfants que l’on continue à protéger, et ceux que l’on sacrifie sur l’autel de l’actualité. […]
Force est de constater que le ciblage des enfants musulmans s’articule à une politique plus générale de stigmatisation des communautés musulmanes constituées en « corps indésirable », voire en ennemi de l’intérieur. La tentative, partiellement réussie, de mobiliser l’école et le personnel de l’Education nationale dans cette entreprise politique est terriblement inquiétante. Elle dénote la persistance du rejet des musulmans, fonctionnant de plus en plus comme un code culturel diffus dans l’ensemble de la société civile. […]
Nouvel Obs
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