Pour la première fois, des exercices militaires aériens conjoints entre les Émirats arabes unis et la Chine vont avoir lieu. Signe de la volonté de la Chine d’installer son influence dans le Golfe et celle des Émirats de diversifier ses partenariats stratégiques.
Le ministre chinois de la Défense a annoncé lundi dans une déclaration la tenue prochaine de l’exercice «Falcon Shield 2023». Une opération qui sera suivie de près par les États-Unis, qui voient d’un mauvais œil le resserrement des liens, notamment sécuritaires, entre la Chine et ses partenaires stratégiques du Golfe.
Les exercices militaires prévus concernent les forces aériennes de la Chine et des Émirats arabes unis (EAU), au nord-est de la Chine, dans la région autonome du Xinjiang.
Li Shangfu, ministre chinois de la Défense, a précisé que les exercices auront pour objectif d’«approfondir les échanges pragmatiques et la coopération entre les deux armées, et à renforcer la compréhension et la confiance mutuelles».
Les autorités n’ont pas donné plus de détails sur les modalités des opérations. De plus, aucune date n’a encore été précisée pour le début de l’opération, mais elle devrait avoir lieu au courant du mois d’août.
Ces exercices annoncés entrent dans le cadre de la coopération sécuritaire entre les EAU et la Chine. En effet, les deux pays ont signé plusieurs contrats d’armement, les forces émiriennes ont commandé des drones MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] Wing Loong II et 12 avions d’entraînement supersonique L-15 «Falcon» de facture chinoise.
De plus, Abou Dhabi a déjà annoncé son intention de signer un contrat d’achat de 36 chasseurs supplémentaires du type L-15 à Pékin en février 2022. Un an plus tard, le ministre émirati de la Défense a annoncé le lancement d’un laboratoire de recherche et développement conjoint dans le domaine militaire avec l’Empire du Milieu.
Leurs relations ne se limitent pas aux fournitures d’équipements militaires car elles ont aussi un volet opérationnel.
Ainsi, l’exercice «Falcon Shield 2023» auquel prendront part les forces aériennes chinoises et émiriennes dans la région du Xinjiang, est une première organisée par la Chine et les Émirats arabes unis.
Le désengagement des États-Unis du Moyen-Orient profite à la Chine, qui parvient à consolider ses relations avec les pays du Golfe, dont l’Iran, l’Arabie saoudite et les EAU. La présence de la Chine a une portée commerciale et économique, mais aussi militaire et politique.
En mars 2023, la Chine a été la médiatrice des négociations entre les deux ennemis jurés de la région, l’Arabie saoudite et l’Iran, permettant la signature d’un accord de normalisation sous son égide le 10 mars dernier. Le président chinois Xi Jinping a également participé à un sommet historique entre la Chine et le Conseil de coopération du Golfe à Riyad, en décembre dernier.
La coopération entre la Chine et les EAU est mal vue par les États-Unis. Fin 2021, un contrat d’achat de F-35 américains a été annulé face aux craintes de Washington de voir Abou Dhabi choisir Huawei pour déployer la 5G sur son territoire.
Par ailleurs, les services de renseignements américains soupçonnent la Chine de vouloir construire une base militaire secrète dans le port de Khalifa, à quelques kilomètres d’Abou Dhabi, à proximité de leur base aérienne de Dhafra et non loin du terminal à conteneurs exploité par la société d’État chinoise COSCO Shipping.
De leur côté, les EAU ont annoncé fin mai 2023 s’être retiré deux mois plus tôt de l’alliance maritime conduite par les États-Unis au Moyen-Orient, en raison d’une «évaluation de la coopération sécuritaire effective», selon un communiqué du ministère émirati des Affaires étrangères.
Les États-Unis ont démenti cette annonce, invoquant la liberté de rotation des troupes impliquées dans les forces combinées. Signe de la détérioration des relations entre les EAU et les États-Unis, alliés historiques.
Les EAU veulent diversifier leurs partenariats stratégiques, même si cette stratégie peut être périlleuse, car les États-Unis n’ont pas édicté de lignes rouges pour limiter un partenariat militaire entre la Chine et les EAU. De fait, les Émérites en testent les limites, mais ils souhaitent surtout sortir de la relation exclusive avec les États-Unis.
D’autant qu’en matière de sécurité, ils restent encore très dépendants des Américains. La flotte aérienne des EAU est composée en partie d’équipements américains, dont des hélicoptères d’attaque AH-64 et des systèmes antimissiles Thaad. Les États-Unis ont aussi permis d’intercepter la plupart des missiles envoyés par les forces houthies sur Abou Dhabi et Dubaï en 2022.
«Si le partenariat militaire avec la Chine donne aux EAU un certain pouvoir de négociation face aux États-Unis, il atteint toutefois ses limites au vu de la proximité de Pékin avec la République islamique iranienne», a indiqué le quotidien L’Orient le jour.
La Chine et l’Iran ont notamment signé en 2021 un pacte de coopération commerciale et stratégique sur 25 ans. Pour Abou Dhabi, l’Iran est toujours considéré comme une menace, malgré le rétablissement des relations diplomatiques en 2022.
source : Chine Magazine
Commenter cet article