Le dirigeant communiste apparaît dans une vidéo à côté d’un submersible en construction, mais bientôt opérationnel. Plusieurs experts estiment qu’il pourrait être porteur de missiles balistiques, ce qui illustrerait l’avancée du programme nucléaire nord-coréen et l’impasse des négociations avec Washington.
Certaines images sont lourdes de sens. Alors que les négociations entre Washington et Pyongyang sur le nucléaire nord-coréen sont dans l’impasse depuis le sommet de Hanoï, le dirigeant communiste Kim Jong-un a inspecté un sous-marin en construction lors d’une visite rendue publique ce mercredi. Pour de nombreux experts, ce submersible pourrait être porteur de missiles balistiques, potentiellement équipés de têtes nucléaires. Cette avancée indiquerait que Pyongyang cherche à se doter d’une composante sous-marine de sa dissuasion nucléaire, ce qui représenterait un nouveau défi en matière de prolifération.
La Corée du Nord possède un très grand nombre de sous-marins - probablement plusieurs dizaines - mais de petite taille - la plupart ne faisant que 20 à 40 mètres. Construits dans une logique asymétrique pour affronter une flotte ennemie bien supérieure, ces submersibles sont censés permettre de sanctuariser une zone à proximité des côtes nord-coréennes. Ce nouveau sous-marin pourrait néanmoins représenter une rupture dans les moyens mis en oeuvre et les ambitions affichées par Pyongyang. «Nous pouvons clairement voir qu’il s’agit d’un sous-marin massif, bien plus grand que celui qui est connu depuis 2014», a déclaré à Reuters Ankit Panda, chercheur à la Federation of American Scientists, basée aux États-Unis.
Un missile d’une portée de 1000 km tirés depuis un sous-marin
Depuis cette année-là, de nombreux experts de la Corée du Nord suivent le développement d’un premier sous-marin lanceur d’engins généralement dénommé Sinpo ou Gorae, qui servirait de plateforme d’essai dans l’optique de déployer des missiles balistiques tirés depuis des sous-marins (SLBM en anglais). Déployer des missiles depuis un submersible permet à un pays doté de l’arme nucléaire de répliquer à une première attaque, même si ses propres installations au sol ont été endommagées. Cette «capacité de seconde frappe» est une étape essentielle pour toute puissance qui cherche à garantir sa capacité de dissuasion nucléaire quelles que soient les circonstances.
Au vu des photos, «il est clair qu’il s’agit d’un sous-marin dérivé de la classe Romeo», note le spécialiste naval H. I. Sutton qui rappelle sur son blog que Pyongyang a acheté dans les années 1970-1980 à la Chine plusieurs de ces sous-marins d’origine soviétique, avant de les construire directement sous licence. «Je fais le pari que c’est un sous-marin lance-missiles», a déclaré le spécialiste à Reuters, évoquant la possibilité que le kiosque du submersible ait été rallongé pour accueillir des missiles installés à la verticale.
Impasse des négociations avec Donald Trump
En 2016, en parallèle de son programme de missiles intercontinentaux terrestres, Pyongyang a procédé avec succès au test d’un SLBM tiré vraisemblablement depuis le sous-marin Gorae. Dénommé Pukgeukseong-1 ou NK-11, ce missile a été montré lors de plusieurs parades militaires, notamment en avril 2017. Selon la majorité des experts, sa portée serait d’environ 1000 kilomètres. Associée à un sous-marin capable d’aller en haute mer et non seulement de rester près des côtes, une telle arme pourrait être une menace supplémentaire dans la région Pacifique, notamment pour la base américaine située sur l’île de Guam, à plus de 3000 km de Pyongyang.
Au cours de l’inspection présentée ce mardi par KCNA, Kim Jong-un était accompagné par Kim Jong-sik, l’un des principaux responsables du programme balistique nord-coréen, note Reuters. «Ce que je trouve ici important politiquement, c’est que c’est la première fois depuis un défilé militaire de février 2018 que Kim Jong-un inspecte un système militaire clairement conçu pour transporter et livrer des armes nucléaires», ajoute Ankit Ponda. Le message adressé à Washington est donc particulièrement offensif alors que Pyongyang et Washington ne parviennent pas à obtenir de résultats significatifs depuis le premier sommet de Singapour en mai 2018 lors duquel Kim Jong-un et Donald Trump s’étaient pourtant engagés dans la voie d’une «dénucléarisation de la péninsule coréenne», formule ambiguë qui ne semble pour l’instant pas se concrétiser.
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«J’observe [ces images] comme le signe inquiétant que nous devrions prendre au sérieux le délai fixé par Kim Jong-un pour la mise en œuvre d’un changement de la politique américaine d’ici la fin de l’année», précise Ankit Ponda. Parmi les points d’achoppement entre Washington et Pyongyang, la question d’une levée des sanctions visant le régime communiste est particulièrement épineuse, les Nord-coréens la considérant comme un préalable, les Américains comme un résultat. La semaine dernière, la Corée du Nord avait averti que des exercices militaires imminents entre Washington et Séoul pourraient avoir des répercussions sur la reprise annoncée de ses pourparlers avec les États-Unis, laissant entendre qu’elle pourrait revoir son moratoire sur ses essais balistiques et nucléaires.
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