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D’où vient ce malaise, selon vous ?
En banlieue parisienne, la plupart des lycées sont des établissements de relégation. Le premier problème est celui de la mixité territoriale : il n’y a pas de brassage. Dans mes classes de Première, par exemple, tous les élèves sont d’origine immigrée. Ils se sentent oubliés, abandonnés par la République et, en réaction, ils se jettent dans le salafisme. Ils sont en quête de sens et ils le trouvent dans cette religion englobante, qui a réponse à tout, ou presque. Les Frères musulmans font du prosélytisme, certaines municipalités s’avèrent complaisantes. Et la conversion à l’islam est facile, rapide. Résultat ? Depuis une dizaine d’années, l’école, qui est le reflet de la société, est devenue perméable à cette fièvre religieuse. L’abaya – un voile couvrant l’ensemble du corps, à l’exception du visage, des mains et des pieds – y a fait son apparition. Les jeunes filles sont de plus en plus nombreuses à s’en vêtir et même, parfois, à enfiler cagoules et gants, à la saoudienne, à la sortie de l’établissement. Ces tenues n’existaient pas il y a quinze ans.
Au quotidien, comment se traduit cette percée islamiste ?
Ce sont de petits signes qui, additionnés les uns aux autres, révèlent un climat préoccupant. Comme cette altercation entre deux élèves à laquelle j’ai assisté, l’une reprochant à l’autre d’avoir apporté des fraises Tagada en cours. Les bonbons n’étaient pas halal, car ils contenaient de la gélatine de porc… Ou cette mère, qui a refusé que sa fille retire ses gants en classe de chimie. Ce sont aussi ces adolescents qui, après avoir lu un texte du penseur Condorcet, ont lancé, bravaches : « L’éducation, ce n’est pas pour les filles ! » C’est cet élève qui, après avoir visionné un reportage sur les mariages forcés en Inde, explique que « les femmes sont sur Terre pour obéir aux hommes », et la classe ne bronche pas. Ou bien encore ces deux jeunes filles qui se présentent, recouvertes d’un voile intégral, pour une sortie scolaire au musée. Quand je leur demande de le retirer, aucun signe religieux ostentatoire n’étant autorisé, je me retrouve accusé de « racisme contre l’islam ».
Vous décrivez aussi la défiance des élèves vis-à-vis de l’apprentissage…
Oui, c’est un phénomène récent, qui s’explique par la poussée religieuse autant que par la concurrence des réseaux sociaux. Certains élèves croient plus facilement ce qu’ils voient passer sur Facebook ou TikTok que ce qui est écrit dans un manuel scolaire, ou dans un article de presse, quelles que soient la notoriété et la légitimité du média. En classe, ils opposent leur vérité au savoir scientifique. Certains sujets se révèlent inflammables, notamment en sciences. Quand vous donnez un cours sur la reproduction sexuée ou l’astronomie, vous vous retrouvez en butte avec leur foi. Un jour, j’ai distribué à ma classe un texte d’Emmanuel Kant, « Qu’est-ce que les Lumières ? » Le philosophe y rappelle que la Terre tourne autour du soleil, et non l’inverse. La semaine suivante, une élève est revenue brandir le Coran en citant un passage dans lequel il est écrit que la Terre, au centre de tout, est en concurrence avec le soleil. Je lui ai rétorqué que la foi n’exclut pas la raison, mais elle est repartie, vexée et en colère. Parfois, le découragement me guette.
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Le Parisien
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