Démission d’un proviseur menacé de mort, plainte déposée au nom de l’État contre une élève, mise en place d’une « force mobile scolaire »… L’affaire du lycée Maurice-Ravel rappelle à quel point il est parfois difficile de faire appliquer la loi de 2004 interdisant le port de signes religieux ostentatoires dans l’enceinte d’un établissement scolaire. Pour Alain Policar, chercheur associé au Centre de recherches politiques de Sciences Po et membre du Conseil des sages de la laïcité, « la tolérance moderne, ce serait accepter la diversité culturelle des valeurs et se poser la question de la coexistence avec les minorités ».
Le « départ anticipé en retraite » du proviseur du lycée Maurice-Ravel à Paris est-il un nouveau signe de la difficulté à appliquer la loi sur la laïcité en milieu scolaire ?
Ça illustre, me semble-t-il, les difficultés d’appliquer sereinement la loi qui, comme je l’ai fréquemment écrit, apparaît, à tort ou à raison, comme discriminatoire à l’égard des musulmans. De ce point de vue-là, les nerfs sont à vif, aussi bien du côté des élèves que de celui de l’administration, qui se sent plus ou moins obligée de refuser ce qu’ils appellent une atteinte à la laïcité. À mes yeux, le voile n’est plus un signe de prosélytisme – les enquêtes sociologiques montrent qu’il s’agit même souvent d’un vecteur d’émancipation pour les jeunes filles par rapport à leurs milieux – et le port du voile devrait donc être analysé chaque fois au cas par cas. Or, la loi ne permet pas cette analyse fine. Tous les voiles ne sont pas un signe de résistance aux valeurs républicaines, mais on ne peut pas sans arrêt sonder les intentions.
En réalité, on ne peut pas établir de façon exhaustive et définitive une liste de ce qui est religieux. Puisque tout comportement peut être assimilé, on a inventé la notion de signe par destination. Au Conseil des sages de la laïcité, on est donc informés de ce qui apparaît comme une atteinte à la laïcité, et cette liste met sur le même plan le port du voile et la suspicion de terrorisme, ce qui est complètement surréaliste. […]
On a voulu sacraliser l’école en disant que c’était un espace qui devait être réservé, mais je pense qu’il est absolument irréaliste d’imaginer que l’école puisse être épargnée par les conflits de la société civile. Ce qui manque, c’est certainement un système éducatif qui soit déjà en général plus bienveillant vis-à-vis des élèves.
À l’époque, on a interprété la loi de 2004 comme une loi de liberté. Elle a été accueillie avec soulagement par la communauté éducative. Aujourd’hui, il est certain que l’application de la loi est difficile, et donc génératrice de tensions. Elle paraît même être intolérante. La tolérance moderne, ce serait accepter la diversité culturelle des valeurs et se poser la question de la coexistence avec les minorités. En France, on a choisi de combattre le terrorisme islamiste avec la laïcité, ce qui est aberrant.
RFI
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