Les relations entre Pékin et Washington ne semblent pas aller dans un quelconque sens d’amélioration. L’opposition se maintiendra dans de nombreux domaines et probablement sur le long terme. Une opposition qui se traduit d’ailleurs par l’affrontement en cours entre l’ordre multipolaire et les vestiges de l’unipolarité. Néanmoins, il y a effectivement des lignes rouges pour la Chine qui peuvent faire monter les tensions à un niveau largement supérieur.
Si la République populaire de Chine a longtemps promu, et continue encore de promouvoir, un monde réellement inclusif sans exception, inclusif dans le sens où chacun pourrait tirer profit de ses atouts dans une logique de complémentarité et de bénéfice mutuel, il est pour autant aujourd’hui évident que le leadership chinois ne se fait pas d’illusions quant à l’incapacité des élites washingtoniennes et plus généralement occidentales à faire preuve d’adaptation aux réalités mondiales contemporaines.
Ainsi et si sur le plan géoéconomique la Chine reste dans une optique de partenariats multiples, y compris avec l’Occident, tout en maximisant ses relations avec les principaux alliés et partenaires du monde non-occidental, dans la sphère géopolitique Pékin sait parfaitement qu’il est considéré comme l’un des principaux adversaires de l’axe occidental nostalgique de l’unipolarité. Un défi que le leadership chinois a pleinement accepté.
En ce sens, la Chine possède des lignes rouges que Washington et ses suiveurs occidentaux tentent à chaque fois d’outrepasser. La principale étant bien évidemment Taïwan. Si jusqu’à présent Pékin continue de privilégier la voie d’un retour pacifique de ce territoire chinois au sein de la Mère-Patrie, tout en s’opposant aux provocations multiples qui émanent de l’Occident, il n’empêche que l’État chinois se tient également prêt à d’autres options. Et cela est d’ailleurs parfaitement compris par nombre de personnes y compris dans l’espace occidental.
Le milliardaire et investisseur étasunien Ray Dalio, célèbre gestionnaire de hedge funds (gestion alternative) et qui connait bien la Chine, a récemment déclaré que les relations actuelles entre Pékin et Washington sont «au bord des lignes rouges». Pour autant il ne croit pas à un conflit de grande envergure sur le court terme.
Ceci étant dit et lors du Forum économique de Greenwich où il a fait ces déclarations, il a également affirmé qu’il existe aujourd’hui des différences irréconciliables entre la Chine et les États-Unis, en premier lieu sur Taïwan, les puces semi-conductrices et dans le cadre géopolitique. Toujours selon lui – si Washington allait à reconnaitre l’indépendance de Taïwan – cela représenterait tout simplement une déclaration de guerre contre la République populaire de Chine.
Et bien qu’il ne croit pas à un conflit armé sur le court terme, notamment en raison de ses répercussions dévastatrices sur les plans économique et politique, les problèmes et tensions cités persisteront et s’intensifieront probablement selon lui au cours des cinq à dix prochaines années.
Maintenant en termes de perspectives, s’il est évident que Washington cherche à tout prix à provoquer et déstabiliser la Chine, y compris en ce qui concerne Taïwan, l’establishment occidental-atlantiste doit aujourd’hui prendre en compte de bien nombreux aspects.
Tout d’abord et bien que la Chine soit partisane d’une solution pacifique avec son territoire taïwanais, il n’en demeure pas moins qu’elle se prépare à toutes les options. Cela n’est aujourd’hui un secret pour personne. D’autre part et bien que l’Occident voie en la Chine un pays ayant peu d’expérience de combats armés dans l’histoire récente, cela reste la troisième puissance militaire mondiale. Cela sans même compter qu’elle est tout simplement la première puissance économique mondiale en termes de PIB à parité du pouvoir d’achat.
Pour revenir à l’aspect militaire, il faut également admettre qu’en cas d’un affrontement Chine-États-Unis, voire Chine-Occident, dans un style similaire à la guerre par procuration menée actuellement par l’axe otanesque contre la Russie, la logistique pour les forces otanesques sera beaucoup plus compliquée. Taïwan étant une île, très proche de la Chine continentale, pas un vaste territoire plus grand que l’Hexagone possédant plusieurs frontières terrestres avec des régimes atlantistes. En ce qui concerne une éventuelle guerre totalement officielle et non par procuration contre une puissance nucléaire – le monde connait la position de l’Occident sur la question.
Quant à l’éventualité d’une large guerre économique, l’axe occidental n’y aurait tout simplement aucune chance. L’échec du record des sanctions unilatérales qui devaient selon les instigateurs mettre à genoux la Russie – ne fait largement que le confirmer. D’autant plus que la Chine a non seulement parfaitement bien analysé le cours des événements récents, y compris dans la sphère économico-financière, mais a également entrepris plusieurs actions concrètes. Le processus de dédollarisation, entre autres, le confirme aussi.
Enfin et sur le plan politico-diplomatique, la Chine est déjà quasi-complètement gagnante. Sachant que l’écrasante majorité de la véritable communauté internationale soutient la vision d’une seule Chine. Toute tentative donc de pousser l’État chinois à la faute par l’establishment washingtonien est d’une manière ou d’une autre vouée à échec flagrant. Ceci étant dit, la bête blessée est souvent dangereuse. Et dans ce cadre, l’Occident collectif ayant définitivement perdu son hégémonie planétaire peut être prêt à tout. Mais perdra dans tous les cas.
Mikhail Gamandiy-Egorov
source : Observateur Continental
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