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En 2022, les personnes de nationalité algérienne, géorgienne et comorienne étaient les plus nombreuses à avoir déposé une demande de titre de séjour pour bénéficier d’une prise en charge médicale concernant la dialyse et la greffe rénale. Or, en Algérie comme en Géorgie, la dialyse existe, elle y est même gratuite. Indéniablement sous-équipées, les Comores sont un cas à part : c’est généralement le système hospitalier de l’île de la Réunion qui doit prendre en charge les malades comoriens. En France, toute personne se présentant sur le territoire et dont l’état de santé le nécessite peut postuler à une greffe, quel que soit son statut administratif. Entre 2017 et 2023, près de 9 500 demandes de titres de séjour pour soins pour insuffisance rénale chronique ont été enregistrées. En 2022, près de 85 % des demandes ont bénéficié d’un avis favorable pour, au minimum, des dialyses, dont le coût s’élève à 80 000 € par an et par personne. La députée Véronique Louwagie (LR), à l’origine d’un rapport parlementaire publié en 2021, note que « depuis 2015, les étrangers ont bénéficié de 14,8 % des transplantations alors que les étrangers résidant en France représentent 7,4 % de la population ».
2. QUEL RÔLE JOUENT LES FILIÈRES D’IMMIGRATION ?
Les filières existantes viennent en particulier d’Europe de l’Est et ne sont pas nouvelles. À la tête de l’association France Transplant, l’ex-député et professeur de médecine Jean-Louis Touraine décrit le processus : « Il y a une dizaine d’années déjà, les passeurs d’Europe de l’Est demandaient 2 000 € par personne, le malade avait en sa possession la liste des établissements pratiquant la dialyse. » Parce qu’elles présenteraient des chances plus élevées d’obtenir une greffe, Bretagne et Rhône-Alpes sont les régions les plus visées. « Les mafieux connaissent les chiffres d’attente de greffe par le site de l’Agence de la biomédecine et ils déposent les personnes dans les villes où les listes d’attente sont plus faibles » […]
3. QUELLES CONSÉQUENCES POUR NOTRE SYSTÈME DE SOINS ?
Ces arrivées seraient moins un problème si les greffons ne manquaient pas. Et si le système de santé français, déjà extrêmement sous tension, ne traversait pas une crise profonde. Face aux listes d’attente importantes et au manque de donneurs, la transplantation rénale pose des problèmes éthiques aux soignants. Qui doit être greffé en priorité, alors que, d’après les chiffres officiels, plus de 20 000 patients, en France, attendent de l’être et que seules 5 000 transplantations sont effectuées chaque année ? Et tandis que deux à trois personnes meurent chaque jour faute d’une greffe d’organe ? […]
Face à des patients qui risquent de ne pas prendre correctement leur traitement parce qu’ils ne comprennent pas le français, ou encore face à ceux qui veulent retourner dans leur pays d’origine, alors qu’ils ne bénéficieront pas sur place des médicaments antirejet, les différents profils compliquent la donne… Les professionnels de la santé sont confrontés à des enjeux moraux, que les responsables politiques préfèrent ignorer. « Nous sommes livrés à nous-mêmes. On doit se débrouiller avec des cas parfois complexes, confie un médecin sous le couvert de l’anonymat. Par peur d’être étiquetés racistes ou xénophobes peu de soignants osent en parler. » Avant de conclure : « On vit avec l’idée de l’abondance, l’État pourrait tout, et, au prétexte de valeurs éthiques, on ne réfléchit plus. »
Marianne
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