Tel est le contexte de la lutte actuelle en Ukraine : la guerre n’est que la première étape d’une lutte qui devrait durer une vingtaine d’années. L’enjeu pour Washington en Ukraine est d’empêcher le monde de devenir multipolaire. Si les États-Unis perdent en Ukraine, cela sonnera le glas du monde unipolaire dominé par « la nation exceptionnelle ».
L’Allemagne est devenue un satellite économique de la guerre froide américaine en cours contre la Russie, la Chine et le reste de l’Eurasie. La République fédérale d’Allemagne et d’autres pays de l’OTAN ont été invités à imposer à la Russie des sanctions en matière de commerce et d’investissement qui survivront à la guerre par procuration qui se déroule actuellement en Ukraine.
Le président Joe Biden et les porte-parole de son département d’État ont déclaré que l’Ukraine n’était que la première étape d’une dynamique beaucoup plus large qui divise le monde en deux ensembles opposés d’alliances économiques.
Cette fracture mondiale promet d’être une lutte de dix ou vingt ans pour déterminer si l’économie mondiale sera une économie unipolaire dollarisée centrée sur les États-Unis ou une économie mondiale multipolaire avec une multidevise centrée au cœur de l’Eurasie avec des économies mixtes publiques et privées.
Le président Biden a caractérisé cette division comme un conflit entre démocraties et autocraties. Terminologie typique de la langue de bois orwellienne. Par « démocraties », il entend les États-Unis et leurs oligarchies financières occidentales alliées.
Leur objectif est de faire passer l’organisation économique des mains des gouvernements élus aux mains de Wall Street et d’autres centres financiers sous leur contrôle. Washington utilise, sans freins et contrepoids, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale pour imposer la privatisation des infrastructures mondiales, contrôler les technologies, le pétrole, le gaz, la nourriture, les minéraux, les ressources de base, etc.
Par « autocratie », Biden entend les pays qui résistent à la domination économique commandée par les requins de la financiarisation et de la privatisation. Dans la pratique, la rhétorique de la Maison Blanche ne signifie rien d’autre qu’un marchandage pour sa propre croissance économique, au détriment des services publics et de la richesse des autres nations qui dépendraient exclusivement des dispositifs financiers contrôlés par les États-Unis.
Il s’agit essentiellement de savoir si les économies seront soumises au pouvoir financier qui s’enrichit en privatisant les infrastructures de base et les services sociaux, ou si les gouvernements auront suffisamment d’indépendance pour promouvoir une politique d’élévation du niveau de vie en maintenant dans les mains du public les activités bancaires, la création monétaire, la santé, l’éducation, les communications et les transports.
Le pays qui subira le plus de « dommages collatéraux » dans cette fracture économique mondiale est l’Allemagne. Son économie industrielle est la plus avancée d’Europe, mais l’acier, les produits chimiques, les machines, les automobiles et autres biens de consommation dépendent des importations de gaz, de pétrole et de métaux russes tels que l’aluminium, le titane et le palladium.
Cependant, même si deux gazoducs Nord Stream ont été construits pour fournir de l’énergie bon marché aux Allemands, les États-Unis ont exigé que Berlin mette fin à ses achats de gaz russe et désindustrialise ainsi le pays. Cela signifie la fin de sa suprématie économique. La clé de la croissance du PIB en Allemagne, comme dans d’autres pays, est la consommation d’une énergie bon marché pour son tissu industriel.
Les sanctions anti-russes sont essentiellement une politique anti-allemande
Le secrétaire d’État Anthony Blinken n’a cessé de répéter que l’Allemagne devait remplacer le gaz russe à bas prix par du gaz naturel liquéfié (GNL) américain à prix élevé. Pour importer ce gaz, l’Allemagne devra rapidement dépenser plus de 5 milliards de dollars pour développer les capacités portuaires permettant de décharger les navires-citernes de GNL américain. L’effet est clair : l’industrie allemande deviendra non compétitive à court terme. Les faillites se multiplieront, l’emploi diminuera, et les dirigeants allemands pro-OTAN seront confrontés à une dépression chronique et à une baisse du niveau de vie de leurs populations.
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