A trois reprises avant l’assassinat du professeur d’histoire-géographie Samuel Paty, à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), vendredi 16 octobre, Abdouallakh Abouyezidovitch Anzorov, le terroriste, a cherché à se procurer les adresses de personnes ayant, selon lui, insulté l’islam ou les musulmans sur les réseaux sociaux. […]
En fin de matinée, la vidéo d’un jeune en train de faire une fausse prière musulmane, dans laquelle il remplace les paroles par celles d’une chanson du rappeur Jul, a été publiée. Sur Telegram, le compte Cpasdeslol, extrêmement suivi, a partagé la publication. Elle est vue plus de 70 000 fois. Elle est très relayée sur Twitter, essentiellement par des personnes qui se présentent comme musulmanes et s’estiment offensées dans leur foi. Un profil, en région parisienne, qui apporte régulièrement son soutien à l’association islamique BarakaCity ou au Collectif contre l’islamophobie en France, la partage sur son compte Twitter, assortie de ce commentaire (tous les messages ont été retranscrits tels quels) : « Cet individu ce moque ouvertement de l’Islam, mais je vous tease d’avance il va être soutenu par les politiciens, TPMP [Touche pas à mon poste], les extrémistes, donc par pitié ne l’harcelez pas. Et qu’Allah le guide car c’est trop grave la… »
Un autre, qui se présente sous le pseudonyme d’Abou Tchétchène, interlocuteur régulier du futur terroriste, commente son message : « Se moquer de la religion pour faire rie des gens, c’est officiellement plu un musulman. » La vidéo parvient par ce canal jusqu’à Abdouallakh Anzorov, qui réagit : « C’est quoi son Twitter ? Il habite où ? » Quelques minutes plus tard, il fait une capture d’écran du jeune homme sur la vidéo et poste ce message : « Aidez-moi à le trouver, son adresse, ses coordonnées… etc. » Abou Tchétchène l’interroge : « Tu comptes faire quoi ? » « Parlons peu », répond Anzorov. […]
Le 1er octobre, Abdouallakh Anzorov, au gré de ses échanges sur Twitter, souvent très tard dans la nuit, tombe sur une autre polémique. Des captures d’écran d’une conversation sur la messagerie Snapchat circulent sur les réseaux sociaux. On peut y lire des échanges entre Ousmane, qui semble être un collégien, et l’une de ses camarades, musulmane. Ousmane assure détenir des photos de la jeune fille non voilée. Il menace de les faire « tourner dans des groupes », si elle n’envoie pas des photos de son sexe : « Envoie ta techa bb, sal beurette. » « Wallah wallah wallah tu l’auras pas », répond-elle. « Je men blk [bats les couilles] de ton Allah, tenvoie ou jfais tourner », répond le garçon. La jeune fille fait des captures d’écran de la discussion, qui se retrouvent sur les réseaux sociaux.
Dans la foulée, le jeune homme est insulté et menacé par des centaines de comptes. Certains parviennent à récupérer son adresse et son numéro de téléphone. Abdouallakh Anzorov fait partie des internautes qui cherchent des informations. Il fait une capture d’écran du compte Snapchat du collégien et poste ce message : « S’il vous plaît les frères (je dis jamais svp) dites moi son adresse, je ferais sincèrement des dou’a (incantations) pour celui qui me la donne. » Le terroriste ne le sait pas, mais, en réalité, Ousmane n’est pas le véritable auteur des messages. L’adolescent s’est fait voler l’accès à son compte. […]
Le Monde
Commenter cet article